12/10/2023 - Réduire la bureaucratie en ces circonstances sans précédent - Papier franco-allemand sur le « mieux réguler » et la modernisation de l'administration en Europe

12 Octobre 2023 | Communiqué de presse

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Réduire la bureaucratie en ces circonstances sans précédent

Papier franco-allemand sur le « mieux réguler » et la modernisation de l'administration en Europe

Dans un contexte d'intensification de la concurrence internationale pour les investissements, les compétences et l'innovation pour la double transition verte et numérique, l'Union européenne doit maintenir une économie solide et à même de résister à l'épreuve du temps, assurant une prospérité à long terme et préservant notre productivité et notre compétitivité, ainsi qu’un développement écologiquement durable.

Lors du sommet de Versailles en mars 2022, les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés à renforcer les capacités industrielles de l'Union européenne, pour réduire ses dépendances énergétiques et pour construire une base économique solide. Un puissant moyen de parvenir à cet objectif est de réformer radicalement, de simplifier et d'accélérer les procédures administratives pour autoriser les projets d'investissement dans l'UE et pour créer un environnement réglementaire simple et prévisible, en particulier pour les PME.

Quand bien même nous avons pour objectif d'accélérer et d'alléger la charge, nous ne sacrifierons pas notre ambition politique et les normes qui s'y rapportent. En effet, ce sont précisément ces normes qui distinguent l'UE de toute autre région du monde en faisant d'elle un espace économique capable de concilier la croissance économique avec la durabilité écologique et le bien-être social.

Il nous paraît néanmoins important de démanteler toute règle où l’effet contraignant l’emporterait sur le bénéfice social. Nous voulons libérer les forces créatives des entreprises, de la société civile et de l'administration. La réduction significative de la bureaucratie commence au niveau national et doit se poursuivre au niveau européen. Notre approche consiste à réduire les charges administratives et réglementaires disproportionnées qui pèsent sur l'économie.

A cette fin, nous nous appuierons sur les initiatives franco-allemandes existantes, introduites par le traité d'Aix-la-Chapelle pour réduire les coûts bureaucratiques et minimiser l’impact des procédures réglementaires transfrontalières. Nous chercherons également à obtenir le soutien des institutions européennes et de nos partenaires en Europe. Dans ce contexte, nous saluons l'annonce faite par la Commission européenne de présenter cette année des propositions visant à réduire de 25 % les obligations d'information des entreprises résultant de la législation européenne, sans compromettre les objectifs politiques associés. Nous nous félicitons également de la nomination d'un Ambassadeur PME pour l’UE (SME Envoy), chargé de défendre les intérêts des PME et de mettre en place une réglementation qui leur soit favorable.                        

Nous appelons donc la Commission européenne à développer un plan d'action ambitieux de réduction de la bureaucratie, avec des mesures i) à court terme, pour réduire les charges administratives et législatives inutiles, ii) à long terme, pour améliorer la façon dont les politiques publiques de l'UE sont conçues, pour faire véritablement de la réglementation un élément de la compétitivité de l'Europe, et iii) pour faire de la transformation de nos économies un succès. À cette fin, les mesures et projets suivants devraient être considérés :

I.      Réduire la charge administrative pour les entreprises

A/ Il est essentiel que des contrôles numériques efficaces ("digital by default") soient effectués de manière cohérente, dans le but d'améliorer la qualité de la législation au niveau de l'Union. Certains États membres de l'UE, dont l'Allemagne, ont déjà eu de bonnes expériences en la matière au niveau national.

B/ Nous avons également l'intention de nous concentrer sur les petites et moyennes entreprises (PME) dans le processus législatif et de limiter les contraintes qui les concernent au strict nécessaire. Nous demanderons à la Commission européenne d'élargir la définition européenne des PME dans la recommandation de la Commission du 6 mai 2003, en ajoutant une nouvelle catégorie d'entreprises, les "petites entreprises de taille intermédiaire" (250-500 employés), et de procéder à une nouvelle révision des seuils financiers fixés par la définition des PME, afin de tenir compte de l'inflation. Nous demandons à la Commission d'analyser soigneusement les impacts d'une révision potentielle de la définition des PME de l'UE (notamment l'impact financier), en particulier sur les programmes de subventions publiques, et de s'assurer qu'elle est conforme aux règles du marché unique et qu'elle ne provoque pas de distorsion de la concurrence au sein de l'UE.

C/ Nous demandons la suppression des obligations de double rapportage et cela ne s'applique pas seulement aux obligations existantes. Pour toutes les initiatives à venir au niveau de l'UE, il est particulièrement important d'examiner dans quelle mesure il existe un risque de duplication des obligations de déclaration et d'enregistrement. Ces obligations devraient être réduites à ce qui est strictement nécessaire, en tenant compte de l'objectif de la déclaration.

D/ Dans le cadre d'une révision du règlement général sur la protection des données (RGPD), nous nous efforcerons d'obtenir une plus grande sécurité juridique et une mise en œuvre plus efficace, par exemple en formulant des dispositions plus claires. Sans abaisser le niveau de protection offert par le RGPD, nous examinerons également d'autres ajustements pour soulager efficacement les PME et les start-ups, les organisations à but non lucratif et le secteur bénévole, des obligations de fournir des informations, de la documentation et des preuves de conformité. En ce qui concerne les réglementations de l'UE sur les données et les questions numériques, il faut également veiller à ce que les obligations de déclaration et les charges de mise en conformité soient ciblées, proportionnées et harmonisées.

E/ Nous soutenons la mise en réseau à l'échelle européenne des registres nationaux de transparence et des organismes de collecte liés au point d'accès unique européen (European Single Access Point, ESAP), dans le but de donner un accès numérique aux informations financières et liées à leur impact sur le développement durable des entreprises, ainsi qu'aux produits d'investissement. Par exemple, cela coïncide avec le développement actuel d'une plateforme numérique française permettant aux entreprises de préparer et de soumettre leur rapport de durabilité, cette plateforme permettant aux entreprises de soumettre directement leur rapport à l'ESAP. La collecte des données financières et de durabilité des entreprises dans un registre européen réduirait l'asymétrie d'information, améliorant ainsi l'efficacité des marchés, notamment en vue de mieux cibler les investissements durables.

F/ En ce qui concerne la mise en œuvre des projets industriels, il est essentiel que les études environnementales obligatoires soient bien calibrées et compréhensibles pour les entreprises. Les exigences de ces études doivent être ajustées en fonction de l'impact attendu du projet sur l'environnement et les études potentielles réalisées au cas par cas ne doivent pas créer une incertitude et des retards excessifs pour les entreprises.

II. Améliorer la législation européenne à long terme

A/ Nous prenons au sérieux tous les efforts visant à mieux légiférer sans sacrifier les normes de protection nécessaires, et nous nous engageons à les mettre en œuvre de manière efficace. Les instruments requis sont déjà disponibles au niveau de l'UE et nous demandons à la Commission européenne de les appliquer de manière systématique. En particulier, il s'agira de réaliser systématiquement des analyses d'impact et d'effectuer le « contrôle de la compétitivité » ainsi que le « test PME » avec des évaluations claires des coûts et bénéfices (en particulier pour toute nouvelle charge supplémentaire), notamment dans un contexte de concurrence internationale accrue et en particulier pour les législations où des mesures miroirs ne sont pas envisageables. La numérisation doit être avancée de manière rigoureuse et doit être présente dans notre réflexion à tous les stades du processus législatif. La législation devrait fournir des conditions générales fiables pour les investissements sur la voie nécessaire de la transformation, d'une manière qui soit par principe ouverte à tous les modes de technologie et qui n'entrave jamais inutilement la rapidité des développements. Les mécanismes de mise en œuvre et de gouvernance devraient être limités au strict nécessaire et conçus pour être aussi simples et efficaces que possible.

B/ Nous visons une loi simple et compréhensible, en respectant la règle d'or de Montesquieu : s'il n'est pas nécessaire de faire une loi, il est nécessaire de ne pas en faire. En outre, les règles nationales et européennes doivent se compléter dans un esprit de subsidiarité, tout en évitant autant que possible la charge résultant de la coexistence de 27 règles différentes, qui pénalise particulièrement les PME. Les exigences relatives à la notification des règles nationales, y compris la directive 2015/1535, devraient être simplifiées et rendues plus flexibles afin de permettre aux États membres d'agir rapidement, sans préjudice du marché unique.

C/ En ce qui concerne l'évaluation ex post des règlements de l'UE, nous préconisons un examen holistique et axé sur la mise en œuvre. L'Allemagne a eu de bonnes expériences en la matière au niveau national, avec ce qu’elle nomme les « tests à l’épreuve du réel » (praxis checks). L'objectif est d'identifier les obstacles bureaucratiques inutiles dans nos efforts vers la transition verte. Ces tests impliquent différents acteurs de la profession dans le domaine concerné afin d'identifier les origines de la charge bureaucratique. Les tests doivent être menés de manière globale en considérant l'ensemble du processus, de la décision d'investissement à l'exploitation. Cette méthode serait également bénéfique au niveau de l'UE.

D/ En ce qui concerne l'évaluation de l'impact réglementaire, nous plaidons pour une collecte de données, une présentation et une quantification, qui soient standardisées, complètes et méthodologiquement solides, des implications financières de la législation européenne, ainsi que pour des comparaisons claires entre les coûts et les bénéfices. Encore une fois, nous ne devons pas recréer de la bureaucratie avec des cadres d'évaluation et des modèles inutilement stricts. Mais nous devons veiller à anticiper et à quantifier la valeur ajoutée et les externalités d'une politique. Dans le cadre de cet engagement, nous préconisons également le développement d'un indice des coûts de la bureaucratie afin de rendre transparente l'augmentation et la réduction des coûts de la bureaucratie au fil du temps.

III.    Faire de la transformation de nos économies un succès

A/ Pour faire de la transformation de nos économies un succès, nous étudierons l'inclusion de critères hors-prix et liés à la durabilité et à la sécurité de l'approvisionnement, dans le cadre des procédures d'appel d'offres pour les marchés publics et des programmes de soutien public pour les technologies vertes essentielles, en utilisant pour ces objectifs toutes les flexibilités prévues par la législation de l'UE et les règles de l'OMC, tout en laissant aux États membres la possibilité de décider dans quels cas et pour quels critères ils sont pertinents. Il est également essentiel que les exigences environnementales s'appliquent sur le territoire européen, par le biais de la réglementation ; ainsi qu'aux produits importés, par le biais de taxes ad hoc et de critères spécifiques, comme cela est en cours d'élaboration dans le cadre du règlement sur l'écoconception.

B/ Afin d'accélérer le développement et la modernisation des capacités de production durable pour les installations industrielles, les installations et les réseaux d'énergie renouvelable ainsi que les projets d'infrastructure, nous préconiserons des procédures de planification et d'approbation plus rapides et plus simples. En particulier, nous demandons à ce que les exigences en matière de rapports soient réduites - et non augmentées.

C/ La Commission doit se concentrer sur la finalisation de l'adoption du Pacte vert et entrer dans la prochaine phase de sa mise en œuvre (en assurant sa cohérence législative et son efficacité) et faire en sorte que la transition verte devienne un succès pour notre industrie, ainsi que pour la compétitivité de l'Europe. Il est particulièrement important de finaliser l'adoption des textes les plus importants et de clarifier les délais d'application, y compris pour la législation secondaire, afin de limiter l'incertitude juridique à laquelle les entreprises sont actuellement confrontées. Cette visibilité est nécessaire pour que les entreprises puissent adapter leurs stratégies commerciales et lancer les investissements nécessaires à la transition, tout en prenant les mesures de mise en conformité qui en découlent.

D/ De manière générale, pour alléger la charge et accélérer l'investissement, nous avons besoin d'un environnement réglementaire cohérent, dans lequel les initiatives législatives individuelles, provenant de différents domaines politiques, ne sont pas considérées séparément ; mais plutôt dans un contexte d’interaction avec d'autres réglementations, et coordonnées en vue de leur effet global.

  1. Impliquer les parties prenantes concernées

Afin de lancer un programme plus large et plus complet de réduction de la bureaucratie au niveau européen, l'Allemagne et la France mettront en place un processus visant à intégrer les contributions de leurs associations professionnelles respectives, y incluant la perspective des PME, et d'autres parties prenantes pertinentes. Ce travail conjoint devrait aider les gouvernements français et allemand, ainsi que la Commission européenne, à i) identifier les obstacles bureaucratiques superflus au niveau européen et ii) inspirer le programme de travail de la future Commission européenne (2024-2029) afin de renforcer la compétitivité en s'appuyant sur la réglementation de l'UE. Nous invitons la Commission européenne à prendre en compte toutes les suggestions dans son plan d'action pour la réduction de la bureaucratie.

 

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