1894 - Discours de clôture d'Agnès Pannier-Runacher - Conférence ministérielle PFUE « Une industrie plus forte pour une Europe plus autonome » jeudi 13 janvier 2022 à Bercy

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Conférence

Une industrie plus forte pour une Europe plus autonome


Discours de clôture d’Agnès Pannier-Runacher,

ministre déléguée chargée de l’Industrie
 

Bercy

Jeudi 13 janvier 2022
 

Monsieur le commissaire, cher Thierry BRETON,
Mesdames et Messieurs,

Avant toute chose, je souhaiterais exprimer au nom du gouvernement français ma très grande tristesse suite au décès de David SASSOLI. Je salue la mémoire d’un Européen convaincu, et d’un ardent défenseur de la démocratie. Mes pensées vont à ses proches et à ses collègues.

Pour revenir à notre événement du jour, je suis très honorée d’intervenir en clôture de cette conférence importante pour notre agenda européen des prochains mois. Et je voudrais évidemment, avant toutes choses, remercier le Vice-Président de la Commission, Maros SEFCOVIC, le Président de la Commission ITRE, Cristian-Silviu BUSOI, mais aussi tous les intervenants, et bien sûr le Commissaire Breton, d’avoir permis à ce premier événement de la présidence française de l’Union européenne, d’être un succès.

Notre continent, notre Union, nos pays, sont à la croisée des chemins.

Croisée des chemins face à l’enjeu de lutte contre le réchauffement climatique et à la nécessité de bâtir un modèle de croissance durable. Je crois que tout le monde l’aura compris.

Croisée des chemins pour notre indépendance. La crise a mis en lumière nos vulnérabilités, notamment sur des produits aussi stratégiques pour nos concitoyens que ceux qui ont trait à la santé, ou essentiels à la production de nos usines comme les semi-conducteurs, ou encore à la décarbonation de notre économie comme les terres rares.

Croisée des chemins, enfin, pour ne pas être relégués économiquement et partant politiquement. Face à la concurrence des Etats-Unis et de la Chine ; face aux poids de leurs investissements publics massifs dans les technologies et secteurs d’avenir. Face au monopole ou aux oligopoles qui se constituent dans le numérique, l’Europe peut perdre massivement des parts de marché. Elle ne sera alors plus en situation de protéger ses consommateurs contre les hausses de prix et ses salariés contre les pertes d’emploi. Nous devons réagir et c’est ce que nous portons depuis deux-trois ans, avec l’ensemble des commissaires et au sein du gouvernement français. Cette volonté d’avoir une politique industrielle ambitieuse au service des deux transitions : la transition écologique et la transition numérique.

Face à ces enjeux, l’industrie est une des clés. La clé pour décarboner notre économie, la clé pour innover et construire des avantages compétitifs pour nos entreprises, la clé pour développer de l’emploi à valeur ajoutée sur nos territoires.

Les échanges qui ont eu lieu aujourd’hui sont essentiels : ils participent de la définition d’une stratégie européenne commune pour renforcer notre résilience. Cette journée est une étape importante pour unir nos forces et construire une Union européenne ouverte, et résiliente sur les produits les plus critiques.

S’agissant du sujet crucial des dépendances stratégiques, j’en tire trois enseignements :
D’abord qu’il est indispensable d’approfondir l’analyse des vulnérabilités de nos écosystèmes industriels les plus critiques. Je me réjouis d’ailleurs que la Commission publie, dans les prochaines semaines, ses nouveaux travaux en la matière, je crois que c’est en février. La France, de même que tous les Etats membres et de nombreux partenaires publics et privés ont activement contribué à préparer cette échéance, notamment dans le cadre du Forum de l’industrie.

Ensuite, nous ne construirons des positions fortes nationales que si nous agissons au niveau européen avec une stratégie globale qui allie toutes nos forces. Les niveaux d’investissements nécessaires sont trop élevés pour être supportés par un seul pays. Cette stratégie aura à articuler une vision d’ensemble réunissant la Recherche fondamentale, la recherche et développement, mais aussi l’industrialisation. Ces trois volets doivent cesser d’être traités différemment, que ce soit dans les outils législatifs ou les moyens qui leur sont dédiés.

Enfin, nous devons investir collectivement dans l’innovation de rupture, à l’image de ce que font déjà les autres grandes économies. Cela suppose d’anticiper les besoins en compétences, mais de prendre des risques, des risques plus élevés en matière d’innovation.

Ces enjeux stratégiques seront au cœur des travaux du Conseil compétitivité que j’ai l’honneur de présider.

Le premier sujet sur lequel nous travaillerons, est celui de l’accès aux matériaux critiques pour développer de nouvelles chaînes de production. C’est tout le propos de cette journée.

On l’a tous compris, je crois, développer les batteries électriques sans sécuriser nos besoins en nickel, en cobalt et en lithium, n’est pas soutenable dans la durée.

Nous sommes aujourd'hui, cela a été largement démontré, dépendants de fournisseurs et de pays tiers qui concentrent l’ensemble de la production et du traitement – puisque la partie raffinage est essentielle - de toute une série de matières premières critiques. Lorsque des pénuries se manifestent, soit parce que les marchés se tendent, soit parce que nous faisons face à des comportements déloyaux de certains fournisseurs, ce sont nos industries et nos consommateurs qui en paient le prix ; Ce sont eux qui pâtissent de retards de livraison, d’arrêts de production, ou de hausses de prix.

Renforcer notre autonomie stratégique dans le domaine des matières premières critiques et des semi-conducteurs, est donc un enjeu majeur pour l’ensemble de l’appareil productif européen et pour l’emploi européen.

Pour y répondre, nous apportons une contribution précieuse qui est le rapport relatif à la « sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales » porté par Philippe VARIN pour l’ensemble de l’industrie française. Je veux saluer ce travail qui propose une feuille de route très claire, afin d’être à la hauteur du défi.

Au niveau européen, nos industriels recommandent notamment de renforcer nos capacités à investir dans des projets de sécurisation des approvisionnements hors d’Europe et en Europe, dans des proportions similaires à celles de nos concurrents extra-européens. Ils nous invitent également à nous doter d’une règlementation exigeante en matière de traçabilité, et notamment avancer sur un référentiel « mines responsables ». Il est également proposé d’étendre aux aimants permanents et aux alliages spéciaux utilisés dans l’aéronautique par exemple le travail d’ores et déjà engagé pour les métaux des batteries.

Au niveau national, nous n’allons pas attendre pour avancer. Nous avons lancé ce lundi un appel à projet pour diminuer le degré de dépendance nationale vis-à-vis de fournisseurs extra-européens tout en développant les filières d’avenir garantissant la création de valeur en France et en Europe.

Le deuxième sujet que nous devrons aborder, dans le Conseil compétitivité, c’est celui des écosystèmes industriels les plus stratégiques. Et je souhaiterais insister sur trois points :

Le premier point, c’est que l’outil qui nous permettra d’accélérer la transformation de nos chaînes de valeur en s’appuyant sur le meilleur de nos PME, de nos entreprises de taille intermédiaire en particulier, ce sont les projets importants d'intérêt européen commun, les fameux PIIEC.

Vous le savez, nous avons déjà lancé deux PIIEC dans la microélectronique et un dans les batteries électriques. Ce sont des francs succès.
Je veux revenir sur le PIIEC batteries électriques. Parce que quand on l’a lancé, personne n’y croyait. Parce que ceux qui avaient l’antériorité en matière de batteries électriques, ce n’était pas l’Europe, c’était les pays asiatiques. Or aujourd’hui, l’Europe, en deux ans seulement, est devenue le premier investisseur en la matière par rapport aux autres continents de production. Ce n’était pas acquis.

Que l’on soit clair : lorsqu’on parle de PIEEC il s’agit d’être sélectif dans les projets, et d’ouvrir le plus largement ces projets pour sélectionner les meilleurs projets et de construire ces outils comme des moteurs d’amélioration de notre compétitivité industrielle globale.

Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers.

Quatre PIIEC sont aujourd’hui sur la table à des degrés de maturité différente. Nous avons lancé un PIIEC hydrogène, qui a été pré notifié en août dernier, c’est un sujet sur lequel l’Europe a la capacité d’être leader mondial industriellement et sur lequel nous devons réussir si nous voulons atteindre nos objectifs de décarbonation. Nous n’avons pas le choix.

Nous avons aussi lancé un troisième PIIEC électronique, qui a été élargi à la connectivité car nous devons être présents sur l’ensemble des briques technologiques pour être compétitifs. Je pense notamment à la 5G/6G ou de l’internet des objets.

Nous avons l’objectif de lancer un PIIEC Cloud. Et lorsque nous regardons la situation actuelle, c’est une obligation si nous avons la prétention de rester le premier continent industriel mondial.

Enfin, forts de nos apprentissages de la crise, et le Commissaire Breton y est longuement revenu tout à l’heure, nous défendons la nécessité d’une initiative commune en matière de santé, qui ne s’arrête pas à la recherche et développement, mais qui intègre l’industrialisation dont nous avons vu l’importance. Il s’agit de prendre le virage des innovations de rupture qui se dessinent dans le secteur, par exemple des biothérapies géniques et des bioproductions auxquelles nous voulons que nos populations aient accès.

Deuxièmement, afin de renforcer notre autonomie stratégique, nous allons nous appuyer, et je sais que vous y êtes attaché cher Thierry BRETON, sur les Alliances industrielles européennes.

Elles permettent de réunir les représentants des Etats membres, des entreprises, mais également des universitaires, des utilisateurs, ainsi que des organismes de recherche, et l’objectif c’est d’élaborer des feuilles de route crédibles et ambitieuses sur des sujets comme le cloud ou les semi-conducteurs. Ces alliances doivent continuer de guider notre action et notre stratégie industrielle.

Troisièmement, enfin, nous devons attacher une importance majeure à la question du financement de nos écosystèmes et examiner comment nous pouvons mieux faire en sorte que nos entreprises européennes, et en particulier nos startups industrielles, et je pense à la deep tech, et nos PME innovantes, nos entreprises de taille intermédiaire, et ce n’est pas un hasard si je cite à deux reprises ces entreprises de taille intermédiaire qui sont traitées comme des grands groupes alors qu’elles n’en ont ni les structures ni la dimension internationale, pour qu’elles se développent et soient compétitives.

Le témoignage de la Banque Européenne d’Investissement, cher Ambroise FAYOLLE, montre bien à quel point des investissements justement calibrés peuvent faire la différence. Le soutien apporté à NORTHVOLT pour développer les batteries électriques en est un parfait exemple.

Enfin, pour réussir notre reconquête industrielle, pour être à la hauteur de nos ambitions, et c’est l’autre face de la même pièce, nous devons fixer des règles du jeu claires et mettre fin à certaines de nos naïvetés collectives.

Nous devons fixer les contours d’une concurrence loyale. Le fameux level playing field.

Concurrence loyale qui n’est pas synonyme de protectionnisme car, et nous l’avons vu au cours des dernières années, ce serait un non-sens économique que de prôner le protectionnisme comme on l’entend ici-et-là, y compris dans la politique nationale. Ce serait une atteinte à notre capacité à générer de la croissance, et une atteinte au pouvoir d’achat des consommateurs européens. Durant la présidence française de l’Union européenne, nous aurons trois illustrations concrètes de la manière dont nous pouvons faire en sorte que ce principe de concurrence loyale soit au coeur de notre politique industrielle.

Le premier élément, c’est le règlement « subventions étrangères ». Ce dispositif, proposé par la Commission, atteste de ce qui doit être notre état d’esprit commun : protéger le commerce mondial, tout en étant attentifs aux passagers clandestins, je fais appel à la théorie des jeux, à ceux qui ne respectent pas les règles du jeu de la concurrence et qui en tout état de cause ne devraient pas avoir les mêmes facilités que ceux qui les respectent.

Concurrence loyale qui passe par la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Nous travaillons à réduire notre empreinte carbone en Europe et cela implique des investissements très lourds pour les industriels qui se retrouvent dans les coûts de revient, et que, dans le même temps, nous importons des produits d’entreprises venant de pays moins-disant climatiquement et aux coûts de production moindres, c’est une double défaite : c’est plus de gaz à effet de serre et moins d’emplois. C’est celle que nous avons connu en France.

Entre 1995 et 2015, notre industrie a réduit son empreinte carbone de 40%, nos activités françaises ont réduit leur empreinte carbone de 20%, mais notre empreinte carbone a progressé de 17% en raison des importations. C’est tout l’enjeu des fuites carbone contre lesquelles nous devons lutter.

Concurrence loyale, enfin, en haussant notre niveau de jeu collectif en travaillant à l’intégration des clauses environnementales dans les marchés publics. Nous l’avons votée en France, avançons au niveau européen. Cela vaut pour tous les fournisseurs, qu’ils soient européens ou extra-européens.

Cette première conférence était un moment précieux pour la préparation des travaux de la présidence française de l’Union européenne de ces prochains mois.

Très concrètement, dans deux semaines, je réunirai les ministres chargés de l’industrie pour un conseil compétitivité informel à Lens. Nous aurons à traiter des thématiques qui ont été abordées au cours de cette conférence, en particulier sur la question des métaux stratégiques, avec trois principales questions : comment sécuriser nos approvisionnements à l’extérieur de l’Europe ? Comment développer l’économie circulaire pour conserver les ressources qui sont entrées sur le territoire européen ? Et, enfin, comment extraire en Europe ?

Vous pouvez compter sur moi pour faire avancer ces sujets qui sont indispensables pour atteindre nos objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique et pour améliorer notre compétitivité.

Il n’y a qu’au niveau européen que nous serons de taille à faire face à ces défis. Soyons, collectivement, à la hauteur de cette responsabilité.

Je vous remercie.