613 - Discours de Bruno Le Maire lors des « 10 ans de la loi Copé-Zimmermann » - Mardi 26 janvier 2021

2 Février 2021 | Discours

Mesdames les ministres, chère Elisabeth, chère Olivia, chère Elisabeth,
 
Monsieur le ministre, cher Jean-François, chère Marie-Jo Zimmerman,
 
Mesdames les présidentes des délégations à l’Égalité entre les femmes et les hommes.
 
Je dois dire que cette réunion aujourd’hui est une belle et utile réunion. Elle permet d’abord de saluer un succès politique.
 
Nous sommes tous ici, ou beaucoup d’entre nous, engagés en politique. Nous savons qu'il n'y a rien de pire en politique que d'avoir le sentiment que notre action ne mène à rien ; ce qui peut malheureusement arriver.
 
Il arrive aussi parfois, Dieu soit loué, que la politique fasse la différence. Mon cher Jean-François Copé, chère Marie-Jo Zimmerman, vous avez fait la différence sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie française. Ce n’est pas rien. Croyez-moi, avec Elisabeth Moreno, avec Elisabeth Borne, avec Olivia Grégoire, nous sommes décidés à poursuivre votre action et à faire en sorte que ce combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes se traduise par davantage de résultats.
 
Je voudrais vraiment vous remercier parce que j'ai le souvenir de ce combat que vous avez mené. Vous l'avez rappelé, je veux en porter témoignage. C'est un combat qui était difficile à porter à l'époque et qui s'est heurté à beaucoup d'intransigeance, à beaucoup d'obstacles, à beaucoup de mauvaise foi aussi, à beaucoup d'arguments qui, si nous les répétions aujourd'hui, apparaîtraient comme dérisoires, fallacieux, injustes, voire totalement déplacés.
 
C'est ainsi que les sociétés évoluent, les discours qui paraissaient recevables il y a 10 ou 15 ans deviennent totalement irrecevables, 10 ou 15 ans plus tard, et c'est l'honneur de la politique d'avoir un temps d'avance et pas un temps de retard. C'est d'ailleurs pour cela que nous nous engageons en politique, pour avoir un temps d'avance plutôt qu'un temps de retard et pour faire bouger la société dans le bon sens.
 
Vous avez fait bouger la société dans le bon sens. Cette loi Copé-Zimmermann, qui porte votre nom, est un grand succès politique. Mais c'est aussi, reconnaissons-le, un succès incomplet.
 
Nous pouvons être fiers d'avoir aujourd'hui une nation française dans laquelle les femmes occupent quasiment la moitié des places dans les conseils d'administration. Nous sommes la première nation en Europe et dans le monde, et c'est un motif de fierté pour une nation qui a toujours porté haut le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
 
Aujourd'hui, cette parité, grâce à Marie-Jo Zimmerman et Jean-François Copé, est quasiment acquise dans les conseils d'administration. Mais je le redis, c'est un succès incomplet, car ce chiffre tombe à juste un peu plus de 20 % moins d’un quart, dans les comités exécutifs des grandes entreprises.
 
Je veux le dire avec beaucoup de fermeté, un monde où la moitié des uns ou plutôt la moitié des unes représente le quart des autres n’est pas un monde acceptable. Tant que cette situation sera celle-là, un monde où la moitié des unes représente uniquement le quart des autres, il faudra poursuivre le combat.
 
 
Nous avons commencé à poursuivre ce combat et il est d’autant plus indispensable dans les circonstances actuelles, cela a été rappelé par beaucoup des intervenants et Élisabeth l’a rappelé, Élisabeth Moreno également. Chacun voit bien que dans la crise actuelle, les premiers à souffrir des conséquences économiques de la crise sont les femmes. D'abord parce que les secteurs économiques qui sont les plus touchés par la crise sont des secteurs dans lesquels travaillent les femmes, parce que les femmes isolées sont souvent les premières à être touchées par l'aggravation de la situation économique.
 
Tout cela justifie pleinement que nous poursuivions ce combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut faire respecter la loi. Cette loi PACTE que nous avons portée avec Olivia Grégoire avec beaucoup de détermination, prévoit des sanctions, prévoit la nullité des délibérations lorsque les conseils d'administration ne respectent pas la parité entre les femmes et les hommes. Il faut faire respecter la loi.
 
Il faut nous assurer que toutes les dispositions de la loi PACTE sont réellement mises en œuvre. C'est le cas notamment pour le statut de conjoint collaborateur, qui est une des très grandes avancées de la loi PACTE dont je dois dire que personnellement, avec Olivia, nous sommes particulièrement fiers parce que ce statut de conjoint collaborateur protège principalement les femmes dans les commerces ou dans l'artisanat.
 
Il faut en deuxième lieu améliorer la loi. C'est le cadre de l'index mis en place par Muriel Pénicaud à qui je rends hommage parce qu’elle s'est beaucoup battue aussi sur ce sujet-là ; sur l'égalité salariale, Élisabeth Borne l’a rappelé, il y a encore beaucoup de travail à faire et certainement des améliorations à apporter. Les propositions qui ont été faites sont évidemment des propositions utiles et constructives.
 
Il faut en troisième lieu traiter les problèmes à la racine. Cela a été parfaitement rappelé par Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne. La question des formations de l'accès des femmes aux postes d'ingénieurs est un sujet absolument clef, si nous voulons vraiment changer la tendance sur le long terme, et pas uniquement pour les quelques mois ou quelques années à venir.
 
Enfin, il faut traiter tous les sujets, notamment des sujets de garde d'enfants, des sujets très pratiques qui sont le lieu où doit se livrer le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes. De ce point de vue-là, c'est un autre motif de fierté. Nous avons fait passer le congé paternité de 14 à 28 jours, dont 7 obligatoires. Je pense que c'est un changement absolument structurel pour ce combat de l'égalité entre les femmes et les hommes.
 
Reste un tout dernier point qui est un objet de débat et d'un vrai beau débat démocratique, qui est la question des quotas. Je trouve que c'est un débat qui a le devoir de vivre dans les semaines et dans les mois à venir pour que chacun puisse se prononcer, expliquer sa position. Il y a des tribunes qui paraissent, il y a des voix qui s’élèvent pour ou contre les quotas dans les instances dirigeantes des entreprises.
 
Au-delà des conseils d'administration dont je vous le rappelle, ils ne se composent pas de personnalités qui appartiennent à l'entreprise, mais aussi de personnalités extérieures. Donc aller jusque dans les instances dirigeantes des entreprises, que ce soient les cadres dirigeants ou tout autre forme, les Comex n'ayant pas de forme juridique, c'est peut-être compliqué, mais les cadres dirigeants, cela existe ou les personnalités dirigeantes de l'entreprise, cela peut être défini par le Code de commerce. Il faut que nous ayons ce débat pour ou contre les quotas dans les instances dirigeantes des entreprises.

 
Ma conviction, elle est ferme, elle est définitive. Nous avons besoin de quotas dans les instances dirigeantes des entreprises pour établir réellement l'égalité entre les femmes et les hommes dans les instances dirigeantes des entreprises françaises, notamment les plus grandes d'entre elles.
 
Mesdames les présidentes des délégations au Sénat comme à l'Assemblée nationale, c'est à vous aussi d'ouvrir ce débat et de mener ce combat. Je sais que vous êtes très attachées. Nous avons déjà eu des auditions sur ce sujet, mais je pense que c'est bien dans un débat démocratique que chacun prenne clairement et fermement position. Je le redis, ma religion est faite, je suis favorable aux quotas dans les instances dirigeantes des entreprises françaises.
 
Vous me permettrez de terminer par une remarque plus littéraire qui, dans le fond, montre à quel point ce combat est un combat ancien qui est livré en France et en Europe.
 
Vous connaissez tous le magnifique ouvrage de l'écrivain britannique Virginia Woolf, qui s'appelle « Une chambre à soi » et qui est un ouvrage extrêmement éclairant parce qu'il montre à quel point l'égalité entre les femmes et les hommes se heurte d'abord à des obstacles pratiques. Elle le dit d'ailleurs avec beaucoup d'humour en disant « Mais dans le fond, est-ce que si Shakespeare avait eu une sœur, il aurait écrit les mêmes pièces que Shakespeare en ayant le même génie que Shakespeare? Elle répond non, parce que la sœur de Shakespeare n'aurait pas eu une chambre à soi pour écrire ».
 
Je crois qu'elle a raison, que le combat pour l'égalité femmes hommes se livre d'abord sur un plan pratique, avec des décisions claires dont les quotas font partie et que c'est uniquement avec ces décisions claires, fermes et pratiques que nous arriverons à avancer dans cette direction.
 
Je lui laisse la parole pour conclure. Virginia Woolf dit à la fin de son ouvrage « La vie pour les gens des deux sexes est ardue, difficile, une lutte perpétuelle. Elle exige un courage et une force gigantesques. Et plus que tout autre chose, peut-être, elle exige la confiance en soi. Il est vain de dire que les êtres humains devraient se contenter de tranquillité. Ils ont besoin d'actions ».
 
En matière d'égalité femmes hommes, il faut que chacun ait confiance en soi et il faut surtout que nous poursuivions dans la lignée de Jean-François Copé et de Marie-jo Zimmermann l'action.
 
Merci à tous.