Discours d'Olivier Dussopt lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2021 à l'Assemblée nationale 

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Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général, Mesdames et messieurs les Députés,

 
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver pour vous présenter ce budget 2021 même si, après trois années de redressement continu des comptes, ce sont des chiffres profondément marqués par la violence de la crise que je vous présente aujourd’hui. Vous le savez, le déficit public devrait atteindre 10,2 % en 2020, un record depuis plusieurs décennies, et 6,7 % en 2021. Ces chiffres traduisent en réalité l’ampleur et l’intensité des mesures prises pour protéger les Français.

En effet, l’ensemble des mesures déployées face à cette crise – 470 Md€ de mesures d’urgence et un plan de relance de 100 Md€ – atteint des niveaux jamais égalés et qui dépassent l’entendement. Certains n’hésitent pas, pourtant, à prétendre qu’ils ne sont pas suffisants. A l’inverse, d’autres s’inquiètent de leur impact sur nos finances. Ces débats montrent que gouverner, c’est faire des choix entre des impératifs contraires, concilier des objectifs parfois antagonistes, aussi légitimes soient-ils.

Personne ne conteste la nécessité du plan de relance que nous avons présenté. Il est essentiel au redémarrage de notre économie et à la préservation de nos emplois. Il est pour autant tout aussi essentiel de concilier cet objectif avec l’impératif de soutenabilité de nos finances publiques. Nous devons faire preuve de sérieux budgétaire y compris dans la relance, c’est le premier point que je souhaiterais développer (I).

Nous ne souhaitons pas que la relance se transforme en une charge durable sur nos comptes publics, mais qu’au contraire elle produise un effet rapide surnotre économie et pose les bases d’une nouvelle croissance, plus robuste et plus durable. C’est bien par la croissance que nous rembourserons notre dette, sans augmenter les impôts des Français.

La soutenabilité du plan de relance implique que ses dépenses soient temporaires et réversibles. L’application de ce principe se traduit, dans ce PLF, par la création d’une mission budgétaire exceptionnelle, dotée de 36,4 Md€ en autorisations d’engagement et de 22 Md€ en crédits de paiement dès 2021, répartis en trois programmes d’intervention.

Le reste des 100 Md€ du plan de relance est, je vous le rappelle, retracé sur d’autres budgets ministériels et au sein du programme des investissements d’avenir, dans les recettes de l’Etat pour ce qui concerne la baisse des impôts de production, ou en dehors du PLF puisqu’une partie des mesures est portée par la Sécurité sociale, par l’Unédic, et par la Banque des territoires et Bpifrance. Au total, la contribution de l’Etat au plan de relance s’élève à 86 Md€, dont 20 Md€ de baisse des impôts de production et 66 Md€ de crédits budgétaires.

Le contenu même de ce plan de relance concilie des logiques que, trop souvent, on oppose, alors qu’elles sont complémentaires. C’est le cas du débat sur l’équilibre offre/demande, c’est le second point que je voudrais aborder (II).

Certains reprochent au plan de relance d’en faire trop pour l’offre et pas assez pour la demande et le pouvoir d’achat. Or, c’est un fait, ce plan de relance et plus largement ce PLF soutiennent massivement le pouvoir d’achat. D’abord en investissant pour préserver l’emploi, car le chômage, rappelons-le, est la première cause de précarité et de pauvreté. C’est le sens des 6,6 Md€ que nous mettons sur l’activité partielle de longue durée, des mesures générales d’aide à l’apprentissage (2,7 Md€) et de la prime à l’embauche des jeunes (1,1 Md€)C’est le sens aussi des 1,3 Md€ que nous consacrons à l’accompagnement renforcé et personnalisé des jeunes vers l’emploi, ce qui permettra de proposer 300 000 parcours d’accompagnement et d’insertion sur mesure. C’est le sens des 100 M€ que nous mettons sur l’emploi des travailleurs handicapés.

Nous intervenons aussi en soutien de nos concitoyens les plus fragiles, avec la majoration de 100 € de l’allocation de rentrée scolaire, versée en août dernier, le renforcement de 100 M€ des moyens de la politique d’accès au logement et à l’hébergement ou encore le plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté pour 100 M€.

Cet équilibre entre offre et demande a en réalité été le fil rouge de notre politique depuis le tout début du quinquennat. J’entends souvent l’opposition évoquer les réformes de la fiscalité du capital et les baisses de fiscalité des entreprises, mais rarement la suppression de la taxe d’habitation qui est devenue une pleine réalité pour 80% des Français dès cette année, l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires, l’augmentation massive de la prime d’activité, la baisse de 5 Md€ de l’impôt sur le revenu. La réalité de notre politique, c’est qu’avec toutes ces mesures, un célibataire au SMIC voit son revenu disponible augmenter de 140 € par mois, soit 1 677 € par an, grâce à ce Gouvernement.

Au total, en incluant les mesures de 2021, dont la baisse de 10 Md€ des impôts de production, les impôts auront baissé de 45 Md€ entre 2018 et 2021. Cette baisse bénéficie pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages. Seul le prononcé fait foi 3

Nous concilions également la concrétisation de nos objectifs de renforcement des missions régaliennes de l’État en face de choix politiques forts en termes de transformations, porteuses d’économies structurelles, c’est le troisième point que je souhaiterais aborder (III).

Hors plan de relance, et hors appels en garanties, les crédits, que je qualifierais d’ordinaires, des Ministères augmenteront de 7,8 Md€, soit une évolution en ligne avec les variations que nous avons connues les années précédents.

A l’intérieur de cette enveloppe, nous renforçons très sensiblement le financement des missions régaliennes et stratégiques de l’Etat. La trajectoire de la loi de programmation militaire est à nouveau respectée strictement, avec une hausse d’1,7 Md€ des crédits de la mission Défense l’an prochain. Les crédits du ministère de la justice progressent de 0,6 Md€, soit 8 %, au profit notamment de la justice de proximité. Le ministère de l’intérieur bénéficiera d’une hausse de ses moyens de 0,4 Md€. Nous poursuivons aussi le renforcement de l’éducation nationale – en particulier pour le premier degré. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » augmentent ainsi de 1,4 Md€. Enfin, nous permettons la mise en œuvre dès l’an prochain de la trajectoire prévue par la loi de programmation pour la recherche avec la création de 700 emplois pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Les crédits alloués à la recherche augmentent de 0,4 Md€ en 2021.

En face de ces priorités, nous poursuivons les chantiers de transformation que nous avons engagés. Ainsi, nos réformes dans le champ du logement continuent de se déployer. L’an prochain verra la première année de mise en œuvre du calcul des aides au logement en temps réel. Nous prévoyons par ailleurs de mettre à contribution les réserves abondantes d’Action Logement au profit du financement de nos politiques, et nous prolongerons les échanges en cours avec les partenaires sociaux en améliorant l’organisation et la gouvernance de cet organisme qui fera l’objet d’un amendement en partie 2.

S’agissant du réseau des chambres de commerce et d’industrie, nous sommes également convaincus qu’il doit poursuivre sa modernisation. Le Parlement a toutefois exprimé des inquiétudes sur la trajectoire financière du réseau, dans le contexte de la crise que nous connaissons.

Le Gouvernement l’entend aujourd’hui, comme il l’a entendu hier. Je rappelle que nous avions donné un avis favorable dès le PLF 2020 aux initiatives parlementaires proposant d’atténuer de 30 M€ la baisse des ressources par la restitution du prélèvement France Télécom. Nous prenons acte aujourd’hui des nombreux amendements adoptés par la commission des finances et c’est au vu de vos débats que nous avons décidé de rechercher un nouvel équilibre avec le réseau des CCI.

Plus généralement, notre sérieux budgétaire se reflète dans la sincérité du texte que nous vous présentons. Nous faisons le choix de ne rien cacher depuis 2017, d’être honnête avec nous-mêmes et envers les Français. C’est une exigence démocratique. C’est aussi une exigence de lisibilité et de crédibilité de notre politique en matière de tenue des comptes. Poursuivant l’œuvre déjà bien engagée, le PLF prévoit Seul le prononcé fait foi 4 ainsi la rebudgétisation de deux comptes d’affectation spéciale et de fonds sans personnalité morale, notamment dans le domaine de l’écologie.

Nous maintenons un taux de mise en réserve de seulement 3 % en moyenne hors masse salariale. Comme en 2020, un taux de 0,5 % sera appliqué aux dépenses d’allocation aux adultes handicapés, de prime d’activité et d’aides personnelles au logement.

L’assainissement de la gestion publique passe aussi par la mise en conformité de plusieurs dispositifs avec le droit européen. Vous vous souvenez comment le début de ce quinquennat a été marqué par le très coûteux contentieux sur la taxe de 3% sur les dividendes, hérité du mandat précédent.

Nous ne pouvons-nous satisfaire de situations où l’application de notre droit mettrait des entreprises – mais aussi nos recettes et celles des collectivités – en risque juridique, parce qu’il se trouve en contrariété avec le droit de l’Union européenne. C’est avec cet objectif à l’esprit que nous sécurisons, dans ce PLF, le régime de TVA sur les offres composites et que nous créons, dans notre droit, le régime de groupe TVA.

L’effort d’assainissement des risques contentieux que nous menons depuis 2017 porte d’ailleurs ses fruits. Sur la période 2007-2017, le montant des provisions pour contentieux a été en augmentation constante, de 3,7 Md€ jusqu’à 25,8 Md€. Il a été ramené à 22,6 Md€ à la fin de l’année 2019, soit une diminution de 12,4 % par rapport à la fin de l’année 2017.


C’est dans ce même esprit de simplification et de lisibilité que nous continuons l’exercice de suppression de taxes à faible rendement et des dépenses fiscales inefficientes, que nous identifions avec votre soutien. Ces dispositifs encombrent notre paysage fiscal et pèsent autant sur les Français que sur les administrations, pour des recettes parfois inférieurs à leur coût de recouvrement. L’année 2021 nous permettra de réduire cette fiscalité inefficace de 307 M€, sans effet – je le rappelle – sur les affectataires de ces taxes, puisque nous les compensons intégralement.

Dans ce budget, nous concilions aussi la logique de solidarité nationale et la logique de responsabilité locale, c’est le quatrième point sur lequel je voudrais insister (IV).

L’État a été, et demeure, le pilier de notre nation, en cette période de crise. Il a absorbé et continuera de le faire l’essentiel des coûts que celle-ci génère pour les citoyens, les entreprises et les entités publiques. Il se substitue aux employeurs pour maintenir la rémunération des salariés en activité partielle, il reporte et exonère les impôts et charges des entreprises dont l’activité est perturbée, il assure un minimum de revenu aux indépendants, il compense les pertes de recettes des collectivités et établissements publics par des subventions et avances. Cet Etat, dont la centralité est parfois si promptement critiquée, s’est montré à la fois essentiel à tous et, fort heureusement, extrêmement solide et réactif, même dans des conditions de fonctionnement dégradé de nos organisations. Seul le prononcé fait foi 5 Alors que ce rôle de l’Etat comme garant de la solidarité nationale s’est ainsi trouvé porté au premier plan, jamais ses interventions n’ont été si soucieuses d’irriguer les territoires, et de confier aux acteurs de terrain la latitude de décider au plus près des réalités locales.

Le plan de relance est ainsi, avant tout, un plan de relance des territoires. Après 1 Md€ de dotation d’investissement votée dans le PLFR3 pour financer des projets d’investissement locaux relatifs à la transition écologique, à la résilience sanitaire et à la préservation du patrimoine public historique et culturel, le PLF 2021 approfondit le sillon.

La baisse des impôts de production permettra de redynamiser leur attractivité économique et industrielle.

Par la baisse des impôts de production, nous soutenons d’abord notre industrie manufacturière, qui bénéficiera d’environ 30 % de la baisse totale. Le secteur du commerce bénéficiera lui de 15 % de cet avantage. Les ETI qui en bénéficieront à 42 % de la mesure, les grandes entreprises à 26 % et les PME et TPE à 33 %. Cette mesure est à la charge de l’État qui compensera intégralement et de manière dynamique les collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales affectataires de ces recettes seront intégralement compensées, à l’euro près et de façon dynamique : les régions par le transfert d’une part de TVA, le bloc communal par un prélèvement sur les recettes de l’État dont les modalités seront identiques à celles d’un dégrèvement et permettront une compensation dynamique.

De même, la mise en œuvre du plan de relance se fera de façon largement territorialisée, et déconcentrée :

D'abord par des financements attribués sous forme d’appels à projets déconcentrés au niveau régional et gérés par des opérateurs ;

Mais aussi par le choix de confier aux préfets et leurs services déconcentrés la responsabilité d’identifier les projets pertinents sur leur territoire, l’échelon national se contentant de définir les critères d’éligibilité de ces projets ;

Et enfin par la mise à disposition des préfets de régions d’enveloppes fongibles, parmi lesquelles on pourra citer les 600 M€ destinés aux régions conformément à l’accord politique signé entre l’Etat et les régions le 28 septembre dernier, les 250 M€ du programme d’investissements d’avenir régionalisés, et les 200 M€ de contribution aux fonds d’investissement régionaux pour l’innovation. 

Enfin et surtout, c’est certainement dans le domaine écologique que la réconciliation d’objectifs légitimes mais parfois opposés est la plus nécessaire, en même temps qu’elle est la plus complexe. C’est le dernier point sur lequel je souhaiterais m’attarder (V).

En matière d’écologie, rien n’est plus facile, et rien n’est plus contre-productif, qu’une approche manichéenne des choses. Nous voulons relancer l’économie, protéger les entreprises, l’emploi et le pouvoir d’achat, et agir pour la protection de notre planète. Nous voulons tout cela à la fois, en même temps si j’ose, et je suis convaincu qu’il n’y a pas d’autre voie crédible que celle-là, fusse-t-elle étroite.

Vos débats de commission – je pense notamment à ceux sur le renforcement du malus CO2, sur les mesures relatives à la fiscalité des carburants, mais nous aurons sans doute les mêmes débats dans l’hémicycle sur les amendements visant à transcrire les propositions de la convention citoyenne sur le climat – montrent comme il est parfois difficile de trouver le bon point d’équilibre.

Nous avons bien compris vos inquiétudes Mesdames et Messieurs les députés sur ces sujets. Je constate d’ailleurs qu’elles sont parfois diamétralement opposées, entre ceux qui veulent un changement de modèle radical dès demain matin, et ceux qui rejettent l’impératif écologique au motif qu’il exige un changement de nos modes de vie. Là aussi, nous vous proposons un équilibre qui, par définition, ne peut pas faire l’unanimité.

Mais, unanimité ou pas, nous voulons avancer en toute transparence. C’est la démarche du budget vert. Ce document rend compte de la complexité des enjeux liés à l’environnement, une dépense favorable sur un objectif environnemental pouvant être défavorable sur un autre. Il montre qu’il faut concilier les objectifs environnements entre eux. Il permet aussi de constater que certaines dépenses défavorables à l’environnement ont une justification autre qu’il faut concilier avec l’objectif environnemental.

Le budget vert est un exercice démocratique par tous ses aspects. Son but même est d’améliorer l’information des citoyens et du Parlement, pour éclairer le vote de chacun en conscience. Il a été voulu par le Parlement, et construit avec lui, et je voudrais ici saluer l’implication toute particulière de Bénédicte Peyrol sur le sujet. Cette première édition a demandé un travail d’analyse absolument considérable. Au terme de ce travail, la méthodologie rigoureuse que nous avons suivie conduit à coter 38 Md€ de dépenses du budget de l’Etat favorables à l’environnement et 10 Md€ de dépenses défavorables. Il nous revient à tous, désormais, de se saisir de ce bel outil, de l’améliorer au fil des ans, et surtout d’en tirer toutes les conséquences.

J’ajouterais que cette classification ne préjuge pas de l’efficacité de la dépense. Une dépense peut être classée verte, mais atteindre ses objectifs à un coût supérieur au nécessaire. Toujours plus de dépenses vertes ne veut pas dire toujours mieux d’écologie. Je prendrai comme illustration le soutien aux énergies renouvelables, en l’occurrence le photovoltaïque, qui fera l’objet d’un amendement du Gouvernement en partie 2 : le surcalibrage des tarifs dans ce domaine peut se traduire par des rentes excessives d’acteurs privés, qui n’ont rien à voir avec l’écologie, et nous proposerons des solutions à votre Assemblée pour Seul le prononcé fait foi 7 remédier aux situations abusives qui concernent certes quelques situations minoritaires, mais qui appellent une régulation.

Ce budget marque un effort considérable en faveur de la transition écologique. Les crédits de la mission
« Ecologie, développement et mobilité durables » augmentent de 900 M€. 33 Md€ sont destinés au volet
« écologie » du plan de relance. Enfin, 18,4 Md€ des 36,4 Md€ d’autorisations d’engagement de la mission
« Plan de relance » sont alloués au programme « Écologie ».

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, la priorité est à la relance. La crise et les moyens que nous mettons en œuvre pour soutenir et relancer notre économie ont toutefois un coût. Comme je l’ai dit, notre déficit public atteindra plus 10,2 % du PIB en 2020 et 6,7 % en 2021. La dette publique atteindrait 117,5 % du PIB cette année et encore 116,2 % du PIB l’année prochaine. Il est nécessaire de nous projeter dans le temps et de retrouver une trajectoire de finances publiques prévoyant une réduction à moyen terme de cet endettement.

Mesdames et Messieurs les députés, nous allons examiner un budget véritablement historique. La priorité est à la relance et nous sommes heureux d’aborder l’examen de ce PLF dans l’esprit constructif qui nous a toujours animé. Nous avons déjà travaillé intensément avec les parlementaires pour l’élaboration du plan de relance et du budget qui le porte. Nous abordons l’examen du texte par votre Assemblée avec ce même esprit de concorde et d’ouverture. Nous espérons pour ce PLF 2021 des débats passionnés, cordiaux, constructifs, mais surtout utiles pour les Français. Je vous remercie.

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